Frank Weigand: En Allemagne, nous avons une tout autre tradition théâtrale que dans les pays francophones ou anglophones. Beaucoup d’auteurs·rices sont choqué·e·s par tout ce qu’on peut faire avec leurs textes en Allemagne. Légalement, il est possible de modifier jusqu’à 20% d’un texte, d’y intégrer des textes étrangers et ainsi de suite, sans que l’auteur·rice puisse s’y opposer ou dire « ceci n’est plus mon texte ». En tant qu’équipe de production, vous n’êtes donc pas du tout obligé·e·s de travailler de manière aussi « fidèle au texte ». C’est formidable que vous le fassiez quand même.
Magz Barrawasser: Quand nous créons une pièce où il est question de limites et de négociations, je pense qu’il ne faut pas faire son propre jeu de pouvoir sans concertation. Il est important de prendre au sérieux la responsabilité que nous avons lors d’une création en langue allemande (DSE). Je trouve ça génial de ne pas être seule à prendre des décisions, de ne pas agir selon cette vieille idée où la personne qui met en scène va seule jusqu’au bout de sa propre vision. Ce n’est pas ainsi que je conçois le théâtre. Je trouve ça très bien de savoir que ce n’est pas grave si parfois je ne maîtrise pas tout. Je n’ai aucune idée de comment on écrit. Et quand je mets en scène un texte, c’est super de pouvoir poser des questions aux personnes qui savent le faire. C’est super précieux pour moi, afin de pouvoir ensuite bien faire mon propre métier et expliquer les choses mieux ou différemment à la troupe. Pour moi, travailler sur un texte, c’est toujours comme suivre des pistes. Et c’est un luxe absolu pour moi de pouvoir jouer ce jeu de manière aussi ouverte et assumée. Pour moi, par exemple, la discussion que nous avons eue au printemps, Oliver, Justus et moi, a été super utile pour comprendre les personnages. Je me souviens très bien que pour moi, Ben était d’abord un personnage avec des tendances toxiques, mais Olivier a dit : « non, Ben est masculin, mais pas toxique ». Cela nous a beaucoup aidé·e·s à développer le personnage.
Olivier Sylvestre: Ben performe une masculinité bien précise. En 1999, c’était la réalité dans laquelle les ados vivaient : nous étions entouré·e·s de masculinité toxique. Cette masculinité toxique était partout, même dans la façon de parler. Mais en même temps, il y avait des nuances et on abordait aussi la sexualité avec humour. C’est de cela que nous avons parlé. Il y avait ce côté toxique et aussi autre chose. Et quand j’ai écrit les personnages, j’ai essayé de garder ces nuances, que tout ne soit pas toujours noir ou blanc. Qu’on ne dise pas tout de suite : « Oh, ça va, on a compris ».
Magz Barrawasser: Oui, complètement. Et pour moi, c’est vraiment agréable de ne pas être un genre de lonesome wolf en répétition, mais de savoir que j’ai aussi une équipe avec laquelle je peux discuter. Si je me retrouve face à quelque chose que je ne comprends pas du tout, il y a des gens avec qui je peux vérifier mes impressions. La plupart du temps, c’est Justus qui demande à Sonja ou Justus qui demande à Olivier ou moi qui demande simplement à Justus. Et pour moi, ça, c’est vraiment très précieux.
Sonja Finck: Oui, d’ailleurs, c’est aussi très précieux pour moi en tant que traductrice, et ça m’aide peut-être parfois à réajuster le texte. Par exemple, nous avons également modifié ensemble une phrase dans la scène de sexe entre Oli et So. Dans la traduction allemande initiale, Oli demande toujours : « Est-ce que je peux faire ceci, est-ce que je peux faire cela ? Est-ce que ça te plaît ? » et puis, à un moment donné, So dit « oui, continue, mais arrête de me demander tout le temps la permission ». Et ça sonnait un peu bizarre en allemand, comme si elle ne voulait pas du tout de consentement. Et puis, nous en avons discuté et sommes arrivé·e·s à la version actuelle: « tu peux être sûr que je te le dirai, si quelque chose ne me plaît pas, alors tais-toi », ce qui la rend à nouveau beaucoup plus active. Ce sont de petites vis de réglage qui ont une grande influence sur le contenu et sur la manière dont on ressent le personnage. Pour moi, en tant que traductrice, c’est très intéressant de voir comment une réplique peut faire bouger le personnage dans un sens ou dans l’autre.
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