
SPUREN (1): L’homme de théâtre Dieudonné Niangouna à propos de sa pièce «De ce côté» «C’est un don de soi fait aux autres»

En juin va paraître l’anthologie SPUREN aux éditions Theater der Zeit. Elle rassemble neuf pièces de théâtre d’auteurices du Bénin, du Burkina Faso, de la République démocratique du Congo, de Guinée, de la République du Congo, du Sénégal, d’Ouganda et de la diaspora africaine. Les textes sélectionnés traitent de changements sociaux, de résistance, d’identité et de mémoire, tantôt sous une forme poétique condensée, tantôt de manière directe et conflictuelle. L’anthologie comprend notamment la pièce « De ce côté » qui sera présentée en juin dans le cadre du festival afriCOLOGNE à Cologne. Son auteur, Dieudonné Niangouna, qui est aussi metteur en scène, comédien et romancier, s’est entretenu avec Frank Weigand sur les éléments autobiographiques du texte, ses influences artistiques et les jugements souvent irréfléchis sur son travail.
Frank Weigand: « De ce côté » est une pièce sur l’exil. Comment ce texte est-il né ?
Dieudonné Niangouna: De ce côté n’est pas une pièce sur l’exil. De ce côté parle des tourments et tribulations de Dido (personnage central de cette pièce monologue) liés à son théâtre politique. À l’âge de neuf ans Dido va perdre ses deux parents. Solution : il a pris le chemin du théâtre engagé « avec des prises de parole assez désobligeantes » dans un pays, dans un régime, qui n’en voulait pas. Résultat : les gens du pouvoir ont piégé son théâtre avec un attentat à la bombe pour l’accuser. Contraint de s’enfuir, Dido va connaître le même sort partout où il va passer, puisqu’il va continuer à faire du théâtre dans sa fuite. Puisque dans son pays d’origine, qu’il a quitté, il est accusé d’avoir commis un attentat dans son théâtre, en plus de cela il est torturé par la vision des gens qui sont morts dans son théâtre. Ce traumatisme qui le poursuit partout, également là où il décide enfin de se réfugier pour de bon, en exil, dans un pays en occident.
Et ces problèmes sont liés à son traumatisme qui est lié à sa culpabilité qui elle-même est liée à son activité de théâtre politique et engagé. Ce qui n’est pas lié à l’exil puisqu’il avait les mêmes problèmes dans son pays d’origine et sur les routes d’Afrique partout où il est passé. Mais les gens dit de sa communauté noire et africaine ne veulent pas entendre cela, en exil, et surtout pas de la façon esthétique dont il aborde ces questions sur la scène avec sa vision universelle de théâtre, un théâtre qui n’est ni nationaliste, ni patriotique, un théâtre qui n’est pas là pour prôner un drapeau ni une culture ni un continent ni une race. Un théâtre qui ne cherche pas à plaire ni à se complaire dans la revendication d’identité par un exotisme ou par un entre-soi. Ce qui fait qu’il n’est pas porté par ceux qu’on dirait de sa communauté puisqu’ils n’ont pas le même problème, pas la même perception ni le même engagement. Donc Dido réalise que partout où il ira ça serait la même chose tant qu’il fera le type de théâtre qu’il fait. Il a perdu. Il arrête le théâtre et se reclut dans son bar.
Ce texte est né de la froideur du monde et de son insensibilité pendant un moment de mon existence qui s’apparente à un long et interminable hiver. Je traversais le milieu de ma quarantaine. Cela faisait pas loin de dix ans que j’avais toujours l’indiction d’aller au Congo-Brazzaville. Donc presque dix que je n’avais plus revu ma première et ma troisième fille restée au Congo-Brazzaville, pas vu et vécu Le Festival Mantsina sur Scène, festival international de Théâtre et d’écriture dramatique qu’ensemble avec Abdon Fortuné Koumbha, Felhyt Kimbirima, Arthur Vé Batoumeni et Ludovic Louppé on avait crée et que je dirigeais depuis 2003.
Dans la même période tombait le confinement en France. Cette douleur m’avait fait réfléchir à combien la réalité de l’activité théâtrale est fragile et fragilisée malgré les efforts et les bonnes intentions des artistes, des lieux, des festivals, des institutions. Il me fallait mettre à profit ce temps du confinement pour faire une introspection de ce que je traversais théâtralement entre le Congo-Brazzaville et la France en passant partout ailleurs. Et la période était vilaine sur les questions de théâtre : la montée des extrêmes fauchait les gestes poétiques, spécifiques, ayant trait à une histoire singulière et bien particulière, ayant recours à des esthétiques ne faisant pas parti d’un tronc commun (cela se manifestait jusqu’à la baisse des subventions de la compagnie).
Soit on me forçait de prendre la parole à des endroits où je ne voulais pas parler parce que ce n’était pas les bons endroits, parce que les questions étaient pièges, parce que ceux qui me le demandaient avaient simplement besoin d’un noir africain sub-saharien de surcroit et non d’un artiste pour cataloguer ma parole et mon esprit avec l’intention de les rendre réducteurs dans un canevas nègre de culture artistique et théâtrale afin de m’accuser de me plaindre après avoir tout bénéficier et invalider par ce fait toute portée de la parole ayant cours à défendre et à dire ce qu’il y avait à défendre et à dire et surtout à faire.
Soit, on disait sur moi ce que je n’avais pas dit parce qu’il semblait évident à beaucoup que je ne pouvais dire que « cela » étant noir africain sub-saharien, immigré, exilé en France et artiste faisant partie de la minorité par droit à la couleur de la peau. C’est pour toutes ces raisons, au milieu de l’âge de la quarantaine, en s’en allant vers mes cinquante ans, en plein confinement, que j’avais pris la décision d’écrire De ce côté.

Comme dans tous tes textes, on retrouve ici les influences théâtrales et littéraires les plus diverses – européennes, africaines, littéraires, pop culturelles – qui cohabitent. Comment parviens-tu à créer ton propre texte à partir de tout cela ?
Les influences diverses qu’on trouve dans mon écriture sont les émissions de mon âme, de mon identité. Pas seulement comme identité de culture intellectuelle et théâtrale mais surtout comme identité de vie. Je suis né en 1976, le 13 février à Brazzaville, à l’heure où le soleil décline au Congo, à 17h45. Je suis fruit du crépuscule. Entre la fin du jour et l’appel de la nuit. C’est important pour moi qui suis un animiste par goût et par poésie de souligner cela. Le temps, le ton, les nuances et leurs variétés sont présentes de façons plastiques dans mon écriture comme dans mes mises en scène.
Je suis donc né à une période contemporaine de l’histoire du Congo-Brazzaville. D’une mère enseignante, professeur d’histoire et géographie au lycée, catholique fervente et pratiquante, docile et extrêmement tendre : Ngongo Marie. D’un père professeur d’université, premier grammairien du Congo-Brazzaville, puriste de la langue de Molière, athée, rigoureux, drôle, colérique et violent à la fois, amoureux de la littérature, du cinéma d’art et des musiques du monde : Auguste Niangouna. D’une grand-mère sorcière, rebouteuse, guérisseuse, conteuse, prêtresse Nsakou (la spiritualité Kongo), drôle, dure et litigeuse : Bakouka Louise.
J’ai rencontré la littérature du monde, le cinéma du monde et les musiques du monde dans la maison au près de mon père, la religion catholique au près de ma mère dans la maison, la tradition et le théâtre rituel Kongo (Kinguinzila, Lemba et les contes initiatiques) au près de la grand-mère pendant les vacances dans son village, Massembo Loubaki. J’ai grandi avec toutes ses influences à la fois.
Parallèlement à l’école on apprenait l’histoire de France, l’urbanisation en extrême orient soviétique (le régime du pays était communiste pendant 32 ans), et toute la culture générale : l’Egypte antique, la Grèce antique. Et sur la littérature à l’école, il y avait au programme : un auteur congolais : Henri Lopez pour Triballiques, trois auteurs africains : Sembène Ousmane pour Les bouts de bois de Dieu, Amadou Hampaté Bâ pour l’Étrange Destin de Wangrin, et Seydou Badian pour Sous l’Orage puis nous avions un nombre incalculable d’écrivains français. À la maison on parlait français et lari, dans la rue on parlait français, lingala, munu kutuba, lari, Kongo… La tendance populaire était la rumba et les influences du monde en musique comme en cinéma. Ça c’est la réalité, le vécu, et c’est ce qui a forgé mon identité au-delà des préférences et des goûts esthétiques.
Voilà pourquoi en arrivant au théâtre entre la fin des années 80 et le début des années 90, à Brazzaville où je vivais, à l› époque, le choc était violent pour moi, en découvrant ce théâtre dit « africain du Congo-Brazzaville ». C’est alors que je m’étais demandé : « Mais comment peut-on avoir un théâtre si réduit d’expression littéraire et artistique quand on est réellement une culture contemporaine écarquillée, tirée et tiraillée par toutes les influences, baignée et traversée par tous les courants, des traditions millénaires aux importations modernes et contemporaines ? Mais que voit-on sur ces scènes africaines?»
Cette première interrogation, venue de cette première constatation, avait forgé mon esprit, à dire, à faire, à montrer, à jouer un théâtre d’ici et de maintenant. Bien évidemment qu’il y avait des maîtres précurseurs qui s’étaient posés la même question et qui avaient, avec leur talent, donner des réponses qui leur étaient propres et dont je m’étais énormément inspiré. Je pense notamment au théâtre de Sony Labou Tansi et à sa troupe de théâtre Le Rocado Zulu Théâtre, à Emmanuel Dongala et à sa troupe Le Théâtre de l’Éclaire, à Matondo Kubu Turé et à sa troupe Le Théâtre Ngunga.
Et donc mes textes viennent de ce que je suis comme palimpseste des cultures esthétiques et voix personnelle de la personne que je suis dans ce que j’éprouve.

Tu vis en France depuis plusieurs années, tout en continuant à travailler sur le continent africain. Comment cet « entre-deux » influence-t-il ton travail de dramaturge ?
J’aime naviguer entre les pôles. Et je crois fermement qu’on ne peut pas développer un théâtre sans l’apport des autres théâtres. Tout geste artistique, théâtral de surcroit, meurt dès qu’il ne s’entend que comme ferment d’une culture spécifique et bien fermée à d’autres. Qu’importe sa suprématie ô combien de fois prônée, elle finit en un exercice solitaire.
La force et la continuation du théâtre a toujours été de puiser en soi et chez les autres à la fois. Non pour faire des copié-collé mais pour transcender sa part humaine, sa mention humaine, sa ration d’Homme, par son art. Une époque, un espace, qui croit se développer par son art sans aller jeter un œil chez les autres, voisins proches ou éloignés, est simplement en train de se suicider du haut de son orgueil et de son nombrilisme ventripotent.
Voilà pourquoi j’enjambe la Méditerranée et que j’enseigne cet exercice de lucidité à celles et ceux que je rencontre comme artistes ou élèves dans mes ateliers de théâtre et créations. La question n’est pas de chercher à comment concilier les deux. L’intelligence pour moi, voudrait de comprendre dès la base, que l’ici et l’ailleurs sont dans le même menu du geste artistique, de réaliser que l’ici et l’ailleurs tracent le même chemin de la création artistique. Et c’est en les convoquant dans son geste artistique, en les conciliant, qu’on arrive à desserrer les étaux du projecteur. Je ne peux pas créer un texte de théâtre si je ne rencontre pas, si je n’échange pas, si je ne partage pas.
Dans un monde on ne peut plus cloisonné par l’érection des murs, par la montée des extrêmes, les replis identitaires, les racismes, les antisémitismes, les sexismes, la suprématie du tribalisme et ses guerres civiles sinon ses génocides, les guerres de religions, ajouté à cela les mesures draconiennes des durcissements de passages aux frontières qui ont fait de la mer Méditerranée l’un des plus grands cimetières de ce siècle et les coupes budgétaires dans les programmes de la culture et de l’art, il est très humain de concevoir, de comprendre et d’accompagner le geste du passeur littéraire et artistique.

De ce côté est une pièce mélancolique, empreinte d’autodérision, mais souvent triste. Elle date de 2021. Es-tu devenu plus optimiste ou plus pessimiste depuis ?
Non, De ce côté n’est pas une pièce emprunte d’autodérision. L’autodérision est un fait de se moquer de soi-même. Je ne moque pas de moi. Je dis ce que j’ai vécu. Que cela puisse faire penser à quelqu’un que je me moque de moi, c’est son libre arbitre, il en a le droit. Mais son sentiment n’est pas la définition de l’écriture de la pièce. C’est la définition de son sentiment à lui en lisant ma pièce. La différence est énorme entre ce que l’on ressent et ce qui est. Et les deux ont droit d’exister comme l’objectif et le subjectif. Précepte propre à toute émission d’un geste artistique. Mais aucun des deux facteurs ne remplace l’autre.
Quand le métro aérien passe devant ma fenêtre, à Jaurès, aux heures tardives de la nuit, il arrive que son bruit me fasse une violence telle qui me fait ressentir les canons de la guerre de 1997 à Brazzaville ou de 1998 dans les forêts du Congo-Brazzaville. C’est mon ressenti lié à mon expérience « traumatique » de vie. Mais le métro parisien n’est pas la guerre. En aucune façon. C’est là la différence.
Il n’y a aucune autodérision dans De ce côté. J’ai raconté ce que j’ai vécu. Et si pour quelqu’un la réalité vécue d’une personne autre qu’elle est une autodérision parce qu’elle n’a pas connu la même histoire, c’est sa réalité à elle qui la conçoit comme cela. Mais De ce côté c’est ma vie. Et si une personne conçoit que ma vie est une autodérision à son goût, c’est son problème, non la définition de ma vie ainsi racontée en un chapitre théâtral faisant preuve des combats et crises connues et endurées par moi.
C’est comme en 2009 quand j’avais joué ma pièce Les Inepties Volantes au Festival d’Avignon, beaucoup de journalistes et critiques de théâtre, qui avaient même apprécié la pièce, ne s’étaient pas empêchés de souligner dans leurs papiers « C’est bien, mais toutes fois, il y a un sursaut poétique dans le texte et des dérisions sur les massacres en dramatisant la guerre. Dieudonné Niangouna ne pêcherait-il pas par goût de dérision ? » Mais aucun de ces critiques n’avait vécu une guerre civile du Congo, et donc aucun ne savait que c’est la réalité sans aucune forme d’exagération parce que dans les guerres du Congo, un bataillon de cinquante miliciens te violent une mioche de 12 ans pendant une semaine, ils vont ils reviennent, puis quand ils sont fatigués ils mettent des épingles, des seringues, des couteaux dans son organe. Ceux qui coupaient la main, te demandent d’abord « manche longue ou manche courtes ? » Si tu dis manche longue, ils te coupent le bras au niveau de l’épaule, si tu dis manche courte ils te coupent le bras au niveau du coude avant de te l’enfoncer dans la bouche en rigolant.
Ce n’est pas moi qui ait fait ça. Moi j’ai écris et décrit les massacres qu’ils ont fait. Et quand j’ai raconté ça dans mes pièces de théâtre sur les guerres du Congo, les journalistes et critiques de théâtre en Europe m’ont taxé d’exagération et de volonté forcée à vouloir créer des effets dans la tragédie. Alors qu’ils ne veulent même pas savoir comment ça s’est passé mais tout-de-suite ils se mettent à vous taxer de ceci ou de cela. Ce n’est pas du négationnisme ça, nier une réalité sans même chercher à savoir si elle existe ? Pendant longtemps certains reprochaient à Sony Labou Tansi d’exagérer dans ses romans et pièces de théâtre. Mais nous qui habitions au Congo à l’époque, on ne trouvait aucun endroit où Sony Labou Tansi exagérait dans son écriture parce que ce qu’on vivait était pire que ce qu’il racontait dans ses livres.
Je crois que le rapport dans la lecture sur des réalités qu’on ne connaît pas forcément dans le fond, dans les faits et dans la forme, doit vraiment évoluer, mêmement que dans la lecture des gestes de représentation entre les différents endroits du monde. Je prie cela.
Et donc à cette question de savoir si je suis devenu optimiste ou pessimiste passé 2021, je ne pense qu’il y a une valeur de réponse, du moment que, comme je l’ait déjà dit dès ma réponse à la première question : De ce côté c’est ce qui m’est arrivé. C’est cela que j’ai raconté et non un regard sur la société française du spectacle en rapport aux exilés, ni une thèse sur ce que c’est qu’un théâtre immigré, venu d’Afrique, en Europe.
Que ce théâtre-récit de vie soit triste ou mélancolique, c’est la réalité de ce parcours de théâtre engagé tel que je l’ai vécu moi. Ce n’est ni une volonté de chercher à faire pleurer les gens ou à en mettre plein la vue. Donc je ne vais pas me mettre à dire par après le contraire de cette pièce ; je ne vais pas dire ce que j’ai vécu a changé parce que cet après-midi je me serais payé une bière avec des potes à La Place Clichy en rigolant jusqu’au matin, pour la simple raison qu’en serait en 2025. Quel rapport ? Une pièce de théâtre a son univers, son rythme, son esprit. Elle appartient à ce qu’elle raconte.

En tant qu’artiste travaillant sur différents continents, tu es habitué à des contextes différents et à des façon différentes de différentes de recevoir ton travail. Quelle est ton attitude vis-à-vis de la traduction ? La considères-tu comme un enrichissement ou comme une perte de contrôle dangereuse ?
Ma grand-mère conteuse me disait « on joue pour les autres. C’est un don de soi fait aux autres ». Tout est là. Les autres sont. Je suis. Je joue donc je donne aux autres. Par ce geste nous sommes ensemble pendant une représentation mais chacun à son endroit. En tant que artiste, je ne suis pas là à calculer ni à juger les spectateurs. Je ne suis là que pour être avec eux le temps de leur offrir une part de moi, sincèrement, avec cœur, par le biais d’une parole, d’une représentation. Qui qu’ils soient, je ne les juge pas. Je joue pour eux. Ce qu’ils vont en faire, de ce spectacle, de ce texte, c’est à eux d’en décider, chacun.
Tout comme la façon qu’ils auront de recevoir ce don leur est propre. Il s’agit de la sensibilité de chacun. Et de comment chacun exerce sa sensibilité face à une œuvre et en tire ou non ce qu’il a à en tirer ou pas du tout. Cela fait partie du libre arbitre du spectateur et du chemin que l’œuvre va ou non faire en chacun des spectateurs, pour toutes les raisons qui échappent totalement à l’artiste.
Du même ressort que l’artiste qui se produit, l’écrivain qui écrit, la traduction est un don. C’est aux lecteurs-spectateurs de décider ce qu’ils vont en faire. J’estime moi, que la traduction est un don, elle est un partage, comme toute écriture. Et comme tout geste de représentation est la traduction d’un sentiment, d’une émotion, d’une forme d’intelligence, la traduction l’est aussi. Sinon on écrirait pas, sinon on ne jouerait pas.
Qu’on écrive ou qu’on joue, on est toujours en train de traduire. Et qu’on me traduise dans une autre langue, c’est toujours la continuité de la même intention, de la même poétique, de la même pensée, du même sentiment, de la même émotion, dans sa sincérité et dans une intelligence de trouver des voies qui la mèneront vers d’autres que moi. Sans fin cela continuera à faire son chemin, tant que de l’intention au geste, des mots dans une langue en autre langue continueront. Un chemin pour toutes les écritures et les arts aux langages articulés, qu’ils soient connus ou non, grands ou petits, et dont on ne saura jamais jusqu’où finira ou continuera le geste.

Dieudonné Niangouna est auteur, metteur en scène, acteur et pédagogue. Originaire de Brazzaville, il crée la Compagnie Les Bruits de la Rue en 1997 à Pointe-Noire où il est réfugié durant la seconde guerre du Congo.
Dieudonné Niangouna se fait remarquer au Festival d’Avignon en 2007 avec Attitude Clando, en 2009 avec Les Inepties volantes puis en 2013 avec Shéda alors qu’il est artiste associé. Il crée par ailleurs Le Socle des Vertiges, Le Kung Fu, Nkenguégi, Antoine m’a vendu son destin/Sony chez les chiens, Trust/Shakespeare/Alléluia, De ce côté, Portrait désir… Son travail rayonne désormais largement en France, mais aussi ailleurs en Europe, en Afrique et en Amérique latine. En 2018, le Berliner Ensemble l’invite à écrire et monter l’un de ses textes avec la troupe du théâtre : ce sera Fantôme qui entre ainsi au répertoire de l’institution berlinoise.
Ses textes dramatiques sont publiés en français aux éditions Les Solitaires Intempestifs et Carnets-Livres. Sa pièce M’appelle Mohamed Ali (Les Solitaires Intempestifs, 2014) reçoit en 2015 le Prix littéraire des apprentis et lycéens d’Île-de-France. L’Académie Française lui remet en 2021 le Prix du Jeune Théâtre Béatrix Dussane-André Roussin pour l’ensemble de son œuvre dramatique.
Dieudonné Niangouna écrit aussi des romans, publiés aux éditions L’œil d’or. Il reçoit le Grand Prix Afrique Avant-Garde 2023 pour son roman La mise en papa (L’œil d’or, 2023).
Enfin, il est le co-fondateur en 2003 du Festival Mantsina-sur-Scène, manifestation pluridisciplinaire du spectacle vivant qui se tient chaque mois de décembre à Brazzaville.
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