
SPUREN (3): La comédienne et autrice burkinabè Lionelle Edoxi Gnoula parle de sa pièce «Legs» La fuite du président

La semaine prochaine, le Festival afriCOLOGNE présentera l’anthologie théâtrale SPUREN qui vient de paraître aux éditions Theater der Zeit. Elle rassemble neuf pièces de théâtre d’auteurices du Bénin, du Burkina Faso, de la République démocratique du Congo, de Guinée, de la République du Congo, du Sénégal, d’Ouganda et de la diaspora africaine. Les textes traitent de changements sociaux, de résistance, d’identité et de mémoire, tantôt sous une forme poétique condensée, tantôt de manière directe et conflictuelle. La pièce «Legs» de la comédienne et autrice burkinabè Lionelle Edoxi Gnoula (traduite par Flora Udochi Egbonu sous le titre «Vermächtnis»), fait également partie de la sélection. Dans un échange de courriels avec Frank Weigand, la dramaturge évoque la genèse du texte, les parallèles entre dictateurs et pères irresponsables, ainsi que la collaboration avec sa traductrice.
Frank Weigand: «Legs» est un monologue autobiographique. Qu’est-ce qui a déclenché l’écriture de cette pièce?
Lionelle Edoxi Gnoula: Legs est un texte autobiographique qui parle de mon histoire personnelle, les liens familiaux,l’absence du père qui fait aussi écho à la fuite du dictateur. L’envie d’écrire sur ma vie m’est venueen pleine progression de ma carrière de comédienne à partir de 2010. Plus les années passaient et plus cela devenait de plus en plus dur à contenir à l’intérieur de mon être. Dans le même temps, je ne me donnais pas assez de légitimité pour convoquer un public et parler de moi.
Alors en 2014, j’ avais rencontré au Laboratoire Elan des Recreatrales, dans lequel je participais à un atelier d’écriture, le metteur et scène et professeur de théâtre Belge Philippe Laurent quitravaille principalement sur la question des cartes d’identité. Au départ, je ne faisais pas partie de ses stagiaires mais je me suis auto-invitée pendant les quatre jours restants de son atelier, etde cette expérience j’avais compris où trouver les clés pour ouvrir ces portes longtemps fermée demon histoire.
Et quelque semaines plus tard de cette rencontre avec Philippe Laurent, il y a eul’insurrection populaire au Burkina Faso et puis s’en suivra la fuite du président dictateur Blaise Compaoré. Je n’ai pas vécu physiquement cet évènement historique pour notre pays, car j’étais en tournée théâtrale en Suisse. Mais c’était comme une profonde libération, j’ai pris mon ordinateur et j’ai commencé à amorcer l’écriture de Legs .

Dans «Legs», le destin personnel et les événements politiques au Burkina Faso s’entremêlent pour former un appel au changement. S’agit-il pour vous d’une pièce politiquement engagée?
Comme je l’ai défini plus haut, il y a non seulement la rencontre avec Philippe Laurent qui a uneméthode spécifique de recherche pour la création auto- biographique. Partir de l’histoire personnelle, de l’entourage pour ouvrir sa lanterne dans la grande histoire dont la politique du pays et même du monde.
La fuite du président face à une jeunesse qui était laissée à elle-même et qui attendait des réponses de sa part, cela résonnait pareillement en moi comme unefuite de responsabilité au même titre que le géniteur irresponsable qui ne s’est jamais occupé demoi. Dans mon processus d’écriture la politique s’est fortement imposée en moi de tel sorteque j’en ai écrit une suite qui s’intitule Legs « suite » Oui Legs est aussi engagépolitiquement.

La plupart des auteurs africains qui parviennent à se faire connaître en Europe sont effectivement des hommes. Pourquoi ? Est-ce que cela est en train de changer?
Le paternalisme émane bien des séquelles dans tous les corps de métiers et sur l’évolution des métiers des femmes. Il leur faut travailler beaucoup plus avant que les femmes ne soientreconnues. C’est un fait. Mais je pense que le changement s’impose de par l’engagement et le travail acharné fait individuellement par les auteurices africaines.
«Legs» est une pièce autobiographique, mais aussi un matériau dramatique très fort. Pourriez-vous vous imaginer qu’une autre actrice s’en empare et joue votre rôle sur scène ?
Oui une autre actrice peut très bien s’en emparer et la jouer cette pièce car la question fondamentale est la quête de l’identité qui reste universelle , l’identité familiale comme politique. Çasera d’ailleurs un plaisir pour moi de voir une artiste m’interpréter.

«Legs» paraît pour la première fois en allemand dans l’anthologie « Spuren». Comment est-ce que vous avez vécu ce processus de traduction et comment s’est passée lacollaboration avec votre traductrice Flora Egbonu ?
Quand j’ai été contactée par Kerstin Ortmeier me proposant la traduction et la publication de Legs dans l’anthologie « SPUREN » j’étais très émue. J’ai revu mon parcours dans la ville de Cologne qui a commencé en 2011 à la première édition du festival afriCOLOGNE. Ce festivalm’a vu jouer dans des pièces de théâtre durant trois éditions.
Aujourd’hui, que le livre qui porte ma biographie soit lu par le public allemand, c’est une fierté. Tout de suite, j’ai été mise en contact avec Flora Egbonu avec qui j’ai passé de très bon moments au téléphone à échanger sur certains termes et tournures de ma langue d’écriture. Elle a été formidable car elle a travaillé à être trèsproche de moi et de ma manière d’écrire. Nous avons eu des fous rires et aussi des momentsoù j’ai été étonnée de découvrir qu’elle aussi travaillait dans un processus de quête d’identité.C’est une belle rencontre, tout en espérant qu’on se rencontrera physiquement. Merci pour son travail.
Lancement de l’anthologie SPUREN
le 16 juin à l’Orangerie Theater, Cologne
Billets et informations ici.

Lionelle Edoxi Gnoula est une artiste comédienne, autrice, metteuse en scène et actrice de cinéma. Elle commence sa formation théâtrale en 2001. En 2009 elle prend son indépendance en tant que femme artiste en créant sa propre compagnie de théâtre dénommé Compagnie Désir Collectif. Depuis 2013, elle est actrice d’une série télé sur la parenté à plaisanterie dans son pays. En 2014, elle a fondé un Espace Culturel dans la commune rural de Saaba (Burkina Faso) dénommé le Centre Culturel Pan-taabo. Edoxi réside au Burkina Faso mais pratique son art depuis 2017 en Afrique comme en Europe. Elle est autrice de sept pièces de théâtre dont deux pièces publiées. Son spectacle Legs « suite », une autobiographie qu’elle joue, a reçu le prix Maeterlinck de la critique du meilleur seul en scène en 2019 en Belgique. Entre 2020 et 2024, elle met en scène les spectacles « Le Musée de Médée Kali » un texte de Laurent Gaudé, « J’ai une idée » un conte théâtralisé, « Piment Doux » un spectacle d’humour de Cécile Djunga, « les retrouvailles » dont elle est l’autrice.
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